Portrait de Renoir

1867
Huile sur toile
40,5 x 32,5 cm - 15 15/16 x 12 13/16 in.
Cleveland, Cleveland Museum of Art, Etats-Unis - Inv. 2021.134
Dernière mise à jour : 03-04-2022
Référence : MSb-31

Ce magnifique portrait hautement probable de Renoir présente des analogies frappantes avec celui du musée d'Orsay. Il suffit en effet de comparer les deux visages représentés, pour constater leur étroite ressemblance : dans l'un et l'autre, même nez fin, même moustache et même barbe - qui, d'ailleurs caractérisent aussi le Renoir peint par Fantin-Latour dans Un atelier aux Batignolles. De plus, dans l'un et l'autre, le personnage porte la même veste d'artiste et arbore la même cravate bleue qui, ici, illumine le tableau.

Par ces éléments qui permettent de l’identifier, le présent portrait se révèle donc très proche du Portrait de Renoir du musée d'Orsay. Il s'en révèle très proche également, si nous l'examinons dans ses aspects esthétiques et techniques.

Bazille campe ici Renoir comme il aime à camper ses personnages : de trois quarts, et les yeux regardant de côté. C'est ce qu'il a fait pour le Renoir de l'œuvre précédente, comme il le fait d'ailleurs et le fera aussi pour lui-même dans Frédéric Bazille à la palette, Frédéric Bazille au faux col et Frédéric Bazille en chemise.

De même, ce portrait s'apparente au tableau du musée d'Orsay par sa technique. Dans l'un comme dans l'autre, Bazille a recours à des cernes noirs, avec ici comme là, le même but, qui est de délimiter le buste, de le faire ressortir par rapport au fond. Son œuvre offre certes d'autres exemples de ce procédé, mais il ne s'en est servi nulle part aussi systématiquement que dans ces deux cas. Ajoutons que la même touche énergique et vigoureuse caractérise les deux œuvres, touche qui s'applique dans l'une et l'autre avec force au col blanc comme à l'oreille du personnage, elle aussi très soulignée. Dans le portrait que nous présentons ici, Renoir est assis sur un canapé rose, et pose dans un intérieur qui pourrait être l'atelier de Bazille rue Visconti. Le fond est largement traité, comme il l'est dans le Portrait de Renoir du musée d’Orsay, ainsi que dans Frédéric Bazille en chemise et, en quelque mesure, dans le Portrait d'Alphonse Tissié en cuirassier.

Enfin, la couleur de cette toile nous suggère, elle aussi, certains rapprochements des plus significatifs. Nous retrouvons les mêmes tonalités vertes - jointes à une mise en page un peu semblable - dans La Tireuse de cartes, et les mêmes gris bleutés dans le Portrait d'Alphonse Tissié en cuirassier avec, dans celui-ci, la même façon de donner de l'importance au modèle en s'abstenant, à dessein, de terminer la partie inférieure du tableau : dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'un artifice destiné à mettre le personnage en relief.

Ce portrait est certainement l'un des plus attachants de Bazille. Par sa spontanéité, par son audace technique, il nous prouve que notre peintre s'engageait alors dans une voie qui l'aurait porté au sommet, si la vie ne lui avait été prématurément ôtée.

Nous devons aussi rapprocher ce tableau du Portrait de Verlaine. Ils se comparent à la fois par l'audace du traitement et par l'esprit intimiste qu'ils incarnent. Ces portraits sont, selon nous, parmi les plus beaux et les plus avant-gardistes de Bazille. Avec ces deux portraits, s'ouvre une nouvelle vision que nous devons dorénavant avoir sur Bazille et son œuvre.